Le secteur touristique marocain connaît une évolution marquée, soutenue par des initiatives stratégiques et des politiques ambitieuses. Avec une richesse culturelle et naturelle exceptionnelle, le Maroc attire chaque année des millions de visiteurs. Cependant, cette dynamique n’est pas sans défis, notamment le surtourisme, qui nécessite une gestion adaptée pour préserver l’équilibre entre développement et préservation.

Les Grandes Étapes du Développement du Tourisme au Maroc

Les Accords Open Sky (2006)

La mise en place des accords Open Sky en 2006 a permis une libéralisation du secteur aérien, facilitant l’accès au Maroc pour les voyageurs internationaux. Cette ouverture a renforcé la connectivité du pays et a donné un coup de pouce aux arrivées de touristes.

Vision 2010 : Un Objectif Ambitieux

Avec la Vision 2010, le Maroc a cherché à doubler sa capacité d’accueil en matière d’hébergement tout en modernisant les infrastructures. Cela a permis au pays de structurer son secteur touristique et de se préparer à une croissance soutenue.

Vision 2020 : Vers un Tourisme Durable

La Vision 2020, lancée en 2010, a concentré ses efforts sur un tourisme plus diversifié et durable. Le but était de renforcer la compétitivité du secteur tout en préservant l’environnement et la culture locale, éléments clés du patrimoine marocain.

Le Plan d’Action 2023-2026 : Une Nouvelle Stratégie pour le Tourisme

Le Plan d’Action 2023-2026 vise à renforcer le tourisme international en mettant l’accent sur le tourisme responsable et la connectivité aérienne. Ce plan ambitionne de moderniser les services et de promouvoir des pratiques touristiques plus durables.

Le Tourisme au Maroc en 2024 : Un Succès Retentissant

En 2024, le secteur du tourisme marocain a enregistré des résultats exceptionnels, avec 17,4 millions de touristes accueillis, marquant une hausse de 20% par rapport à l’année précédente. Ce chiffre dépasse même celui de 2019, avant la pandémie. Une performance qui montre l’attractivité croissante du Maroc sur la scène mondiale.

Une Croissance à Gérer avec Responsabilité

Cependant, cette croissance rapide soulève une question essentielle : comment gérer un tourisme en pleine expansion sans compromettre la durabilité des ressources et la qualité de vie des habitants ?

La Problématique du Surtourisme : Un Défi à Relever

Le phénomène du surtourisme se manifeste de plus en plus dans les zones les plus visitées du pays, comme Marrakech, Fès ou Essaouira, créant des déséquilibres dans les infrastructures, l’environnement et la vie sociale locale.

Marrakech : Une ville au cœur du surtourisme

Marrakech, véritable joyau touristique du Maroc, attire des millions de visiteurs chaque année grâce à ses sites emblématiques comme la place Jemaa el-Fna, les souks, le Jardin Majorelle et le Palais de la Bahia. Si cette popularité a des retombées économiques indéniables, elle engendre également des problèmes significatifs.

Les conséquences du surtourisme à Marrakech

1. Saturation des sites emblématiques
   L’afflux constant de touristes dans les sites les plus visités de la ville entraîne une saturation qui dénature parfois l’expérience de visite. Des lieux comme la place Jemaa el-Fna, autrefois un espace de rencontre et de commerce authentique, sont désormais bondés, ce qui nuit à leur ambiance unique. Les Jardins majorelle, Palais Bahia et Tombeaux Saadiens pullulent de visiteurs à toute heure de la journée, de longues files d’attentes et encombrement des lieux, entachent négativement l’expérience de visite et la sérénité des lieux.
2. Flambée des prix de l’immobilier
   Le tourisme de masse entraîne une demande accrue de logements temporaires, notamment via des plateformes comme Airbnb. Cette tendance a conduit à une hausse des loyers et à l’éviction de nombreux habitants du centre-ville. Les quartiers historiques, autrefois peu coûteux, deviennent de plus en plus inaccessibles pour la population locale.
3. Pression sur les ressources naturelles
   Marrakech souffre de l’impact du tourisme sur ses ressources limitées, en particulier l’eau, une ressource déjà rare au Maroc. La consommation d’eau par les hôtels et les complexes touristiques, couplée à l’afflux massif de visiteurs, a un impact environnemental négatif.
4. Transformation du commerce local
   Les commerces traditionnels de Marrakech, qui faisaient la richesse culturelle de la ville, cèdent souvent la place à des boutiques orientées uniquement vers les touristes. Cette transformation affecte l’authenticité des souks et des quartiers historiques.

Marrakech est une Destination Pétillante mais Fragile

Pour éviter sa surexploitation touristique, les efforts doivent se concentrer sur :

• Diversification des destinations : Encourager les visiteurs à explorer des régions moins fréquentées mais tout aussi magnifiques comme l’Oriental, l’Atlas ou la côte atlantique.
• Régulation des locations touristiques : L’essor des plateformes comme Airbnb peut poser des défis pour l’immobilier local, il est donc crucial de réguler ces pratiques.
• Sensibilisation au tourisme durable : Informer les visiteurs sur l’importance de préserver les ressources locales, de respecter les traditions et de limiter leur empreinte environnementale.

Un Modèle à Revoir ? S’inspirer d’autres Villes

Des villes comme Venise, Barcelone ou Amsterdam ont dû réguler leur tourisme pour préserver leur identité. Ces modèles peuvent inspirer Marrakech :

• Venise : Introduction d’une taxe pour les visiteurs d’un jour et restriction des navires de croisière.
• Barcelone : Régulation des locations Airbnb pour limiter la flambée des loyers.
• Amsterdam : Réorientation de la communication touristique vers des zones moins fréquentées.

Le tourisme doit ainsi être repensé pour éviter de saturer les sites touristiques, préserver l’authenticité des régions visitées, tout en maintenant l’attractivité du Maroc comme destination. La gestion de cet afflux massif de visiteurs représente un véritable défi pour les autorités locales, les acteurs du secteur et les citoyens, qui doivent travailler ensemble pour trouver des solutions durables et inclusives.

Le Rôle des Conseils Régionaux du Tourisme (CRT)

Les CRT ont un rôle fondamental à jouer dans la structuration de l’activité touristique à l’échelle locale. Cependant, leurs performances sont inégales :

• Certains CRT brillent par leur absence.
• D’autres se limitent à des participations à des salons internationaux.
• Quelques-uns tentent d’agir, mais manquent cruellement de moyens et de coordination.

Il est donc essentiel de redonner aux CRT un rôle plus effectif par des mesures telles que :

• Nommer des dirigeants compétents en marketing territorial et en gestion touristique.
• Allouer des budgets adaptés et suivre rigoureusement les dépenses.
• Favoriser la collaboration avec les acteurs locaux (hôteliers, opérateurs privés, associations).
• Valoriser les spécificités régionales et adopter une approche plus durable.
• Développer des indicateurs de performance pour mesurer l’impact des actions menées.

Le Rôle des Élus Locaux : Conseils Communaux et Conseils Régionaux

Les élus locaux, à travers les Conseils Communaux et les Conseils Régionaux, jouent un rôle clé dans l’aménagement et le développement du tourisme sur leur territoire. Cependant, leur implication reste parfois insuffisante ou mal coordonnée avec les autres acteurs du secteur. Voici les principales problématiques et des pistes d’amélioration :

Problématiques et Pistes d’Amélioration

• Manque de planification stratégique : De nombreux projets touristiques sont lancés sans vision à long terme, ce qui peut entraîner des impacts environnementaux et sociaux négatifs. Il est crucial que les élus intègrent des plans de développement touristique durables et cohérents dans leurs décisions.
• Coordination avec les CRT et les acteurs privés : Une meilleure synergie entre les Conseils Communaux, les Conseils Régionaux, et les CRT permettrait d’optimiser les ressources et de rendre les initiatives touristiques plus efficaces.
• Amélioration des infrastructures et des services : Les élus doivent veiller à ce que les infrastructures (routes, signalisation, gestion des déchets) soient adaptées à l’afflux touristique, tout en préservant la qualité de vie des habitants.
• Sensibilisation et implication des citoyens : Le développement touristique ne doit pas se faire au détriment des habitants. Les élus doivent les intégrer aux décisions et veiller à ce que les bénéfices du tourisme soient mieux répartis, en impliquant la population locale dans les projets et décisions.

Un Tourisme à Réinventer

Pour que le Maroc continue d’attirer sans s’essouffler, une stratégie de long terme s’impose. Parmi les solutions envisageables :

• Diversifier l’offre touristique : Encourager la découverte d’autres régions (Monts Beni Snassen, Le désert Oriental, Le Moyen Atlas, désert d’Agafay, vallée de l’Ourika, côtes atlantiques…).
• Encadrer les locations touristiques : Mieux réguler les plateformes comme Airbnb pour préserver un équilibre entre habitants et touristes.
• Sensibiliser les visiteurs : Promouvoir des comportements responsables (gestion de l’eau, respect des traditions locales, éco-gestes).
• Favoriser l’écotourisme : Mettre en avant les séjours chez l’habitant et les hébergements écoresponsables.
• Instaurer des quotas et taxes touristiques : Limiter l’accès à certains sites en haute saison et réinvestir ces revenus dans des infrastructures durables.

Un Avenir entre Tradition et Modernité

Marrakech et l’ensemble du Maroc doivent aujourd’hui trouver le bon équilibre entre attractivité touristique et préservation de leur identité. Si les ambitions sont grandes, les enjeux le sont tout autant. En adoptant une approche durable et responsable, les différentes régions du royaume pourront continuer à rayonner sans se dénaturer. Le défi est immense, mais le jeu en vaut la chandelle. Marrakech, perle du Maroc, a tout à gagner à préserver son âme unique tout en restant une destination d’exception.

M.K